Poupette l'avait observé. Cette jeune fille avait les larmes qui ruisselaient sur son visage. Elle était brune aux cheveux longs, les yeux bleus, une silhouette fine dans un long manteau qui lui allait jusqu'aux genoux. Poupette suivit du regard cette fille qui se dirigeait vers la gare. Elle ne la connaissait même pas. Alors pourquoi avait-elle le sentiment qu'elle devait l'aider ?
Poupette la suivit donc instinctivement.
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Cette fille agée tout au plus de 25 ans continuait à marcher vivement comme si le diable la suivait. Elle ne faisait pas attention aux voitures ni aux gens dans la rue. Elle ne pensait qu'à ce qu'il venait de se passer ...
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Celle-ci rentra donc dans le grand hall de la gare, monta l'escalator, marcha jusqu'au guichet, demanda un billet pour le prochain train à destination ... de Madrid. Poupette avait suivi toute la scène à quelques mètres de là.
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La jeune fille s'assit sur un banc et regarda l'affichage des trains en face d'elle. Son train arrivait dans 40 minutes ... Elle chercha dans son sac un mouchoir mais elle se rendit compte qu'elle n'en avait pas.
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Poupette sortit de son poste d'observation et alla s'asseoir à côté de cette jeune fille. Elle lui tendit un mouchoir que celle-ci accepta. Poupette parla la première:
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"Excusez-moi de vous demander çela mais pourquoi pleurez-vous ? Je sais que c'est très indiscret mais j'ai de la peine de vous voir dans cet état."
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La jeune fille posa alors son regard triste sur Poupette en répondant: " Je ne veux pas vous embêter avec mes histoires ..."
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Poupette la rassura en lui disant : " Non, bien au contraire, j'ai envie de vous aider."
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Alors la jeune fille commença à raconter à Poupette qu'elle s'appelait Amandine, qu'elle avait 24 ans, qu'elle était arrivée dans cette ville il y a maintenant deux ans pour ses études et que le premier jour où elle était arrivée, elle avait réussi à trouver un studio de 20 mètres carrés. Les jours suivants, elle avait acheté des meubles en kit pour son appartement. Or, elle avait croisé son voisin de pallier dans l'escalier. Celui-ci, la voyant surchargée, lui avait proposé son aide. Il l'avait alors aidé à monter les meubles chez elle. C'était comme ça qu'elle avait fait sa connaissance et qu'au bout de quelques mois, il était devenu son petit ami. Quelques mois plus tard, ils avaient décidé d'un commun accord d'habiter dans l'appartement du jeune homme, celui-ci étant plus grand.
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Tout allait bien jusqu'à ce qu'elle découvre, voilà une semaine, dans la poche de manteau de celui-ci, alors qu'elle cherchait les clefs de l'appartement, un mot où il était écrit " Merci d'avoir été là, je te remercie. Je t'aime, Karen"... Elle était restée longtemps, devant ce manteau, lisant et relisant ce mot, ne comprenant et ne voulant pas comprendre les mots" Je t'aime". Elle attendit qu'il sortit de sous la douche pour lui demander la signification de ce mot.
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Son visage s'était alors crispé, et avait pris une couleur pâle. Il ne voulut pas la regarder dans les yeux, ne sachant quoi lui dire. Il s'enfuit dans la salle à manger, elle le rejoignit. Elle l'obligea à la regarder en maintenant son visage de sa main. Il murmura de façon à peine audible:
" Je la connais depuis 3 mois. "
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Elle ne voulait savoir qu'une chose : aimait-il cette femme ?
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Elle reprenit son souffle, encore sous le choc de cette phrase qui résonnait dans sa tête. Elle puisa toute la force qui restait en elle pour prononcer la phrase suivante:
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"L'aimes-tu ?"
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Un long silence se fit entre eux. Seuls leurs souffles étaient audibles. Il répondit alors:
" Oui ... elle attend un bébé ..."
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C'en était trop pour elle, elle était partie en larmes en prenant juste son sac et cen claquant la porte derrière elle... Elle était venue jusqu'à cette gare pour prendre un train qui l'emmènerait à Madrid, là où habitait sa mère.
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Poupette ne savait quoi dire ... Elle tenta de réconforter un peu Amandine avec des paroles douces. Ellle lui offrit un chocolat chaud. Elles bavardèrent encore un moment. Elles attendirent le train sur le quai.
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Avant qu'Amandine rentre dans le train, Poupette lui fit un petit geste d'adieu.
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Poupette regarda le train s'éloigner, emportant avec lui, Amandine et d'autres gens. La gorge nouée, elle rentra chez elle, émue.